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  • Annabelle Ortiz

Les émotions sont au centre de nos interactions professionnelles


Thierry Paulmier, titulaire d’un doctorat en sciences économiques et d’un doctorat de science politique sur le rôle des émotions dans le gouvernement des hommes nous fait l'honneur de répondre à quelques questions sur ce thème riche d'enseignements.

1) Bonjour Thierry, pouvez-vous pour commencer nous dire ce qu’est l’homo emoticus ?

L’homo emoticus est une nouvelle hypothèse anthropologique visant à expliquer le comportement humain à travers quatre émotions considérées comme premières : la peur, l’envie, l’admiration et la gratitude. Cette théorie met en lumière une liste d’émotions différente de la liste classique des émotions des stoïciens (joie, tristesse, colère, peur) ou de celles des psychologues des émotions, tels que, par exemple, Paul Ekman (joie, surprise, tristesse, dégoût, peur, colère), car elle trouve sa justification non dans l’observation impressionniste des manifestations physiques des émotions mais dans l’identification de phénomènes génériques activant ces émotions : le danger pour la peur, l’obstacle pour l’envie, la perfection pour l’admiration et le don pour la gratitude. Dans cette perspective, la joie, la tristesse et la colère ne sont pas des émotions premières mais secondes, c’est-à-dire, qu’elles ne sont pas leur propre cause mais sont causées par d’autres émotions en amont. Ainsi par exemple, on n’est pas joyeux pour être joyeux mais on est joyeux parce que l’on rencontre une perfection ou un don. De ce fait, la joie procède très largement de l’admiration ou de la gratitude.

2) En quoi nos émotions jouent-elles un rôle fondamental dans nos interactions au travail ?

Les émotions y jouent un rôle fondamental car elles déterminent notre motivation et notre bien-être au travail. Le bien-être au travail peut se définir comme un ressenti positif. Dans mon approche, les mêmes quatre émotions sont à prendre en considération pour comprendre la motivation et le bien-être des personnes au travail : la peur, l’envie, l’admiration et la gratitude. Chacune définit un certain esprit au travail. Celui qui travaille sous le coup de la peur s’apparente à l’esclave obsédé par sa survie ou sa sécurité. Celui qui travaille sous le coup de l’envie s’apparente au mercenaire obsédé par son enrichissement ou sa supériorité sociale. Celui qui travaille sous le coup de l’admiration s’apparente à l’artisan obsédé par la beauté ou l’excellence. Celui qui travaille sous le coup de la gratitude s’apparente au volontaire obsédé par l’amour ou la communion. L’esclave, le mercenaire, l’artisan et le volontaire sont quatre figures de l’homme au travail qui relèvent directement de l’influence dominante d’une de ces quatre émotions. Bien entendu, nous endossons chacune de ces figures selon les moments de notre vie, en fonction précisément de l’émotion principale qui nous domine. Les mêmes quatre émotions dirigent essentiellement notre comportement quand nous travaillons en équipe ou lorsque nous occupons une position de manager.

3) Pouvez vous nous éclairer sur les 4 phénomènes (le danger, l’obstacle, la perfection, et le don) que vous mettez en avant dans votre théorie ?

On peut distinguer quatre phénomènes qui permettent de définir notre rapport au monde et aux autres. Le danger, c’est la chose destructrice, l’approche d’un mal qui veut nous blesser ou nous détruire. Il commence avec l’intimidation ou la menace et se termine par l’agression physique pure et simple. L’obstacle, c’est la chose privative. L’obstacle inclut toutes les formes de privation (handicap, limite, contrainte, adversité, contrariété, frustration). La perfection, c’est la chose parfaite. La perfection inclut toutes les formes de beauté, d’excellence, de qualité ou de vertu. Le don, c’est la chose nutritive. Le don inclut toutes les formes de nourritures (matérielles et spirituelles), de biens gratuits reçus sans contrepartie. Le monde nous détruit, nous prive, se donne à contempler et se donne à accueillir. Il en est de même avec les personnes.

4) L’homo timidus est il compatible avec l’homo admirator ?

Vous faites ici référence à deux des quatre « génies » qui permettent de caractériser le comportement humain. Selon l’hypothèse homo emoticus, tout se passe comme si quatre génies s’agitaient et se combattaient en nous : homo timidus, génie de la peur, homo invidiosus, génie de l’envie, homo admirator, génie de l’admiration, et homo pius, génie de la gratitude. Donc homo timidus et homo admirator cohabitent en chacun de nous ; mais selon que nous sommes davantage dominés par la peur que par l’admiration, homo timidus est plus souvent aux commandes de notre vie que homo admirator. On ne peut donc jamais se défaire de nos quatre génies intérieurs. On peut juste essayer d’écouter davantage homo admirator et homo pius que homo timidus et homo invidiosus.


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