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  • Team FoxRH

Épuisement professionnel (burn out) Comment se reconstruire ?


Le burn-out ou syndrome d’épuisement professionnel peut toucher tout le monde, mais ses victimes sont en priorité des femmes et des hommes qui, aimant leur travail, s’y investissent énormément. Lorsque ces professionnels doivent faire face à un contexte hostile, voire sabordant leur travail, ils subissent un stress chronique qui peut aboutir à un effondrement physique et psychologique. Aude Selly a traversé cet enfer...

Dans son nouveau livre, non seulement elle revient sur les mois de convalescence qui lui ont permis de se reconstruire, mais elle donne aussi la parole à de nombreuses victimes du burn-out. De tout âge et de tout secteur d’activités, ces femmes et ces hommes témoignent à leur tour des signes avant-coureurs et de l’engrenage mortifère de l’épuisement professionnel. De tous ces témoignages, il ressort que le burn-out est une leçon de vie. Oui, il est possible de s’en relever plus fort qu’avant et de retrouver une vie professionnelle. Mais plus encore, ce livre montre la nécessité de se préserver et de poser, parfois même imposer, des limites entre vie professionnelle et vie privée.

FoxRH a rencontré Aude Selly qui nous fait le plaisir de répondre à quelques questions sur son nouveau livre : burnout et après ? Comment se reconstruire, comment le prévenir? aux Editions Maxima.

Dans votre nouveau livre, vous faites témoigner des personnes qui ont fait un burn-out. Quels sont les points communs de toutes les victimes du burn-out ?

Il est essentiel aujourd’hui d’utiliser plus le terme épuisement professionnel que burn-out. Ce dernier est galvaudé et on perd le sens premier de cette maladie. L’épuisement professionnel est lié à la sphère professionnelle (on développe des symptômes individuels lié à l’interaction avec son environnement du travail), à ne pas confondre avec la dépression qui est un phénomène complexe qui fait appel à des mécanismes internes et externes. La dépression se répercute sur la sphère professionnelle, familiale et sociale. Lors la victime potentielle de burnout sort de l’environnement de travail stressant et délétère, il se sent mieux ! Contrairement à bien des idées reçues et/ou préjugés, les victimes sont des personnes investies, impliquées, brillantes, ambitieuses, talentueuses, persévérantes, des personnalités fortes, qui aiment leur travail, peut-être un peu trop d’ailleurs. Ce ne sont pas des personnes fragiles mais des personnes que l’on a fragilisées. Les victimes font partie de ces salariés qui veulent tout simplement bien faire leur travail et participer à la réussite individuelle mais aussi celle de l’entreprise. Parmi les idées fausses il y a le fait de qualifier ces victimes de « perfectionnistes » ou dire qu’elles se sont « trop impliquées », c’est souvent elles qui sont remises en cause. C’est un comble ! Faire trop bien son travail est une mauvaise chose? En utilisant ce qualificatif, on les culpabilise encore plus alors que, s’il y a bien une chose que les victimes ressentent quand elles se sont effondrées, c’est de ne pas avoir été à la hauteur. Elles s’en veulent d’avoir craqué et, le cas échéant, provoqué une désorganisation dans le travail (impact sur les autres collègues avec une surcharge de travail amplifiée ou peur de la déception d’un responsable hiérarchique). En accusant le salarié, l’entreprise est en plein déni, elle ne cherche pas à remettre en cause l’organisation. L’entreprise doit prendre ses responsabilités et se demander si la sphère du travail est suffisamment solide pour structurer et rassurer les individus quelles que soient les difficultés de vie traversées. Il faut clairement avouer que l’investissement au travail est incité, notamment par l’entretien individuel d’évaluation ou le syndrome du « je reste le plus tard » : typiquement français, en Allemagne ou en Angleterre rester au-delà de 17h est mal perçu ! Les victimes sont des piliers de l’entreprise : quand les choses sont difficiles ou qu’elles n’ont pas les moyens, elles ont appris à redoubler d’effort, à se battre, à ne pas laisser tomber, plutôt que de baisser les bras. Ces salariés font partie de la majorité silencieuse qui ne se plaint pas, qui ne sait pas dire non pour son plus grand malheur, du coup, on les charge plus, on sait que l’on peut compter sur eux pour tout faire pour arriver à réaliser leurs tâches, et on les oublie car ils ne parlent pas. Nous nous préoccupons plus de ceux qui posent problème.

Comment peut-on se reconstruire après un burn-out ? Est-il possible par exemple de retourner travailler ?

Tout d’abord, il est important de savoir que la reconstruction est possible après un épuisement professionnel. Lorsque les victimes se sont effondrées, elles ont complètement changées. Elles ont perdu confiance en elles, se dévalorisent, se sont isolées. Elles ne se reconnaissent plus (comme l’entourage d’ailleurs qui est souvent le premier à faire le constat du changement de comportement) Elles pensent qu’elles ne s’en remettront jamais Avant d’envisager une reprise du travail, il est indispensable d’entamer une double reconstruction : physique et mentale. Il est nécessaire de soigner autant le corps que l’esprit. Pendant tout le processus de l’épuisement, nous avons puisé dans nos réserves, nous avons été au-delà de nos limites. Sans cela, c’est la rechute assurée. Il y a un travail sur soi essentiel à faire sur son rapport au travail. En fonction de l’intensité de l’épuisement professionnel et de ses répercussions, ce processus peut demander du temps et, de toute façon, nécessite l’intervention de thérapeutes et de médecins. La victime doit déculpabiliser et retrouver l’estime de soi. Il faut du temps. Plus on a résisté, plus la reconstruction peut être longue. Très important : On ne peut pas s'en sortir seul!

Peut-on prévenir à titre personnel la survenance d’un burn-out ? Est-ce possible ?

Oui c’est possible. L’épuisement professionnel est la phase ultime et catastrophique du stress chronique au travail. Le stress est une réaction normale de l’organisme et même nécessaire pour faire face à un défi, un challenge ou une menace, mais lorsqu’il s’inscrit dans la durée, il crée une souffrance psychique. (Anxiété, angoisse, fatigue intense, usure psychique, épuisement professionnel, idées noires voire suicidaires). Lorsque cette souffrance psychique n’est pas traitée, n’est pas régulée alors elle engendre des maladies dans le corps (troubles du sommeil, mal de dos, troubles digestifs, troubles dermatologiques, migraines, infections à répétition…) et des stratégies de compensation (prise de médicaments, d’excitants…). Les premiers signaux perceptibles sont forcément physiques. Il faut tirer la sonnette d’alarme lors qu’ils deviennent persistants et aller consulter. La perte de plaisir travail, alors que l’on était investi est aussi une caractéristique auquel il faut aussi être sensible.

Comment allez-vous traiter du burn-out dans la pièce de théâtre adaptée de votre 1er ouvrage? Est-ce un bon moyen de sensibiliser les gens ?

Cette maladie est difficile à détecter notamment à cause de la variable du déni qui consiste à fermer les yeux, minimiser, se dire que cela n’arrive qu’aux autres. Les potentielles victimes du syndrome refusent de reconnaître qu’ils sont en difficulté. Ils s’accrochent car ils ont l’habitude de se surpasser ou de penser que cela «passera». Même pour un médecin, le syndrome peut passer inaperçu. Absentéisme, Présentéisme, démotivation, désengagement, sabotage… Les semaines, les mois et souvent les années s’enchaînent, jusqu’à ce qu’un jour, il ne soit trop tard. L’épuisement professionnel les a grillées littéralement de l’intérieur. L’épuisement professionnel est un sujet fondamentalement humain et ne peut se résumer à des statistiques. L’idée de mettre en scène une vraie situation de burn-out (et non une caricature) en entreprise est née d’une évidence, une nécessité : créer pour les Décideurs, les Responsables du devenir économique et social de l’entreprise, un moment clé, une intensité émotionnelle vivante qui poussera les collaborateurs et leur hiérarchie à réfléchir ensemble sur un mieux-être en entreprise. Un spectacle vivant qui repositionne le management face à des collaborateurs compétents, trop surchargés de travail, ou laissés pour compte ou complètement désœuvrés. Une réflexion commune, un thème fort, à partir d’un concept innovant pour l’entreprise : l’art vivant. Nous voilà embarqués dans le monde du travail, avec son impact sur les organisations, la responsabilité de la fonction de décideur, la vigilance de chacun, et la sauvegarde du capital humain au travers de la prévention des risques. Je suis convaincue des retombées positives au niveau humain et pour le bon fonctionnement de l’entreprise. A mon sens, informer et être informé sont des actions de prévention efficaces.

Pensez-vous qu’il est temps de légiférer sur cette question ?

Ce serait une bonne chose mais ce n’est pas suffisant. Le problème est qu’il va falloir un consensus entre le patronat, les syndicats et les professionnels de santé. Combien de temps cela va-t-il encore prendre ? Le 16 février 2016, l'Académie de médecine a conclu que le burn-out n'existait pas scientifiquement. Dans la foulée, le 21 février 2016, Marisol Touraine a annoncé la mise en place d'un groupe de travail pour définir "ce qu'est médicalement le burn-out". La Direction générale du travail a déjà publié le 21 mai 2015 les résultats d'un groupe de travail pluridisciplinaire sur le burn-out qu'il définit ainsi : "épuisement physique, émotionnel et mental qui résulte d'un investissement prolongé dans des situations de travail exigeantes sur le plan émotionnel". La première orientation du 3ème plan santé (2015-2019), désigne comme « orientation stratégique fondamentale », entend faire de la prévention des risques une priorité, en rupture avec la logique prédominante fondée sur la réparation. (Qui connaît ce plan ?) Nous faisons fausse route car la mentalité et la stratégie de prévention en France reste encore la réparation. On persiste à attendre qu’un « drame » se passe avant de réagir. Il suffit de se rappeler la malheureuse vague de suicide qui a secoué notre pays en 2008-2009. Que s’est-il passé ? Le ministre du travail en place, Xavier Darcos, a imposé un plan d’urgence pour que les entreprises de plus de 1000 salariés concluent des accords avec les partenaires sociaux sur la prévention des risques psychosociaux. Il y a eu une réaction de la part de membres politiques à cause (grâce ?) à ces actes visibles. Notons que le tissu économique en France est composé à 80%, au moins, de TPE-PME ! 3.2 millions d’actifs seraient en risque élevé de burnout (Etude du Cabinet Technologia Janvier 2014) Il est temps de faire prendre conscience au plus grand nombre de ce fléau et de ses conséquences. L’épuisement professionnel a un impact sur l’individu mais aussi un coût économique élevé. On cherche à augmenter la croissance de notre pays mais le stress au travail coûte de 3 à 4% du PIB dans les pays industrialisés (coûts directs et indirects du mal-être) ! La prévention est rentable. Une étude récente de l’Agence européenne de la santé et la sécurité indique qu’1€ investi génère 13 € de bénéfices net sur l’année. Voilà une voie vers laquelle nous devrions nous orienter pour rendre nos entreprises compétitives. Le stress est la 1ère cause d’arrêt maladie. C’est le problème le plus important après le mal de dos, le stress chronique a des répercussions qui vont jusqu’à l’obésité, l’anorexie, les conduites addictives (prise de psychotropes, nous sommes d’ailleurs le pays le plus consommateur en France, le tabac, l’alcool) C’est un sujet majeur de santé publique. J’aimerais que l’on crée des campagnes de prévention telles que pour le cancer et le sida. Il n’est pas question de dramatiser mais les conséquences sont trop importantes pour prendre le sujet à la légère. Il est temps de se poser les bonnes questions, d’agir maintenant et concrètement.

Vous pouvez retrouver le nouveau livre de Aude Selly ici


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