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  • Photo du rédacteurSchmidt Brunet Litzer

« Barème Macron » : retour sur une évolution juridique animée


FoxRH cabinet de recrutement aux opportunités RH et paie

L’entrée en vigueur des ordonnances du 22 septembre 2017 instaurant un plafonnement des indemnisations lors de licenciements abusifs a suscité de nombreuses réactions tant au sein des sociétés que dans le monde du marché de l’emploi.

Prévu à l’article L. 1235-3 du Code du travail, le barème Macron fixe des fourchettes d’indemnisation lors d'un licenciement abusif, exprimées en mois de salaire, en fonction de l’ancienneté du salarié et de la taille de l’entreprise, le minimum étant moins élevé pour les 10 premières années d’ancienneté si l’employeur occupe moins de 11 salariés et le maximum étant fixé à 20 mois de salaire pour les salariés ayant au moins 29 ans d’ancienneté.


Pour mémoire, le cadre légal antérieur relatif à la résiliation du contrat de travail et les dispositions relatives au licenciement sans cause réelle et sérieuse n’établissaient pas des plafonds d’indemnités, mais seulement des montants minima, qui ne pouvaient pas être inférieurs à 6 mois de salaires pour les salariés ayant plus de deux d’ancienneté dans une entreprise de plus de onze salariés.


Ces barèmes étant considérés par certains comme trop faibles pour réparer le préjudice subi par le salarié injustement licencié, une résistance s’est organisée de la part de certaines juridictions, conseils de prud’hommes et Cour d’appel, à l’encontre de ces ordonnances afin d’assurer aux salariés licenciés sans motif valable une indemnisation adéquate à leurs préjudices.



Sommaire :


1. L’unanimité des hautes juridictions en faveur du barème Macron

2. La résistance de certaines juridictions : Conseil de prud’hommes et Cour d’appel

3. L’apparente fin du débat à la suite de l’arrêt de la Cour de cassation du 11 mai 2022

4. La censure du barème Macron par le Comité européen des droits sociaux neutralisée


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1. L’unanimité des hautes juridictions en faveur du barème Macron


Conseil d’Etat, Conseil constitutionnel et assemblée plénière de la Cour de cassation ont tour à tour accordé « un blanc-seing » au barème dit Macron.

Le Conseil d’Etat, par une ordonnance de référé du 7 décembre 2017, a validé le barème en se fondant notamment sur les motifs suivants : D’une part, il a considéré que le barème n’était pas applicable lorsque le licenciement était entaché d’une nullité. D’autre part, il a motivé sa décision en rappelant que les auteurs de l’ordonnance n’ont pas entendu faire obstacle à ce que le juge détermine, à l’intérieur de ces limites, le montant de l’indemnisation versée à chaque salarié en prenant en compte d’autres critères liés à la situation particulière de celui-ci.


Le Conseil Constitutionnel, le 21 mars 2018, a déclaré le nouvel article L.1235-3 du Code du travail instaurant le barème d’indemnisation, conforme à la Constitution. Il précise qu’en fixant un référentiel obligatoire pour les dommages et intérêts alloués par le juge en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le législateur a entendu renforcer la prévisibilité des conséquences qui s’attachent à la rupture du contrat de travail. Il précise que les montants ont été déterminés en fonction des moyennes constatées des indemnisations accordées par les juridictions.


L’assemblée plénière de la Cour de cassation, par deux avis du 17 juillet 2019, s’est prononcée en faveur de la compatibilité du barème d’indemnisation avec les normes internationales et européennes. En effet, la Cour a jugé d’une part que les dispositions de l’article 24 de la Charte sociale européenne révisée n’ont pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers et d’autre part que l’article L.1235-3 du code du travail n’entre pas dans le champ d’application de l’article 6§1 de la CESDH. Enfin, la Cour a jugé que ces dispositions sont compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la Convention de l’OIT.




2. La résistance de certaines juridictions : Conseil de prud’hommes et Cour d’appel


Si les hautes juridictions semblent unanimement afficher une position favorable face au barème, tel n’est pas le cas de certains conseils de prud’hommes.

À deux reprises, le Conseil de prud'hommes de Lyon a écarté le plafonnement des indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le 21 décembre 2018, il s’en affranchissait en raison de sa non-conformité aux articles 24 de la Charte sociale européenne et 10 de la Convention n° 158 de l'OIT[1].


En outre, le 7 janvier 2019, le Conseil jugeait que les plafonds légaux fixés en fonction de la seule ancienneté devaient pouvoir être dépassés afin de tenir compte notamment de la situation personnelle (âge, situation de famille, handicap) ou professionnelle du salarié (éloignement géographique ou spécialités rares) ou encore d'un « préjudice professionnel réel, plus lourd que l'ancienneté ».

Le mouvement de résistance s’est amplifié et les prud'hommes de Troyes et d'Amiens ont rendu des décisions similaires[2].


Certaines Cours d’appel se sont également rangées à cette analyse. C’est précisément ce que la Cour d’appel de Bourges a fait, dans son arrêt du 6 novembre 2020[3]. C’est la première cour d’appel à avoir allouer un montant d’indemnisation supérieur au maximum prévu afin de réparer intégralement le préjudice subi par le salarié. Quelques mois plus tard, la Cour d’appel de Paris écartait également le barème au motif que celui-ci ne représentait en l’espèce « à peine la moitié du préjudice subi en termes de diminution des ressources financières depuis le licenciement »[4].




3. L’apparente fin du débat à la suite de l’arrêt de la Cour de cassation du 11 mai 2022


Alors que de nombreuses cours d’appel suggéraient de s’engager dans la voie du contrôle de conventionnalité in concreto lequel aurait permis au juge du fond de s'écarter du barème, notamment lorsque le salarié a une faible ancienneté et subit un grave préjudice résultant de la rupture de son contrat, la Chambre sociale de la Cour de cassation a rejeté, le 11 mai 2022, pour la quatrième fois la contestation des barèmes.

Elle a suivi le raisonnement l’Assemblée Plénière et a affirmé que l’article 10 de la Convention 158 de l’OIT était bien invocable dans les litiges entre salariés et employeurs, mais pas l’article 24 de la Charte sociale européenne.


Elle a, en outre, jugé que les barèmes satisfaisaient à l’exigence posée par l’OIT dès lors qu’ils permettaient raisonnablement l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi, le barème étant écartée en cas de nullité du licenciement et le juge pouvant condamner en complément l’employeur fautif au remboursement d’une partie des indemnités chômage, ce qui suffisait à remplir l’exigence d’un dispositif dissuasif.

Aussi, certains ont prôné la sécurité juridique et ont approuvé cette décision quand d’autres ont fait le choix de la dénoncer aux motifs que, selon eux, elle ne respectait ni les droits des travailleurs ni les engagements européens.




4. La censure du barème Macron par le Comité européen des droits sociaux neutralisée


Alors que le débat semblait avoir été définitivement tranché par l’arrêt du 11 mai 2022 de la Cour de cassation, le Comité européen des droits sociaux (CEDS) est venu le relancer à deux reprises, par les décisions des 23 mars et du 5 juillet 2022 publiées respectivement les 26 septembre[5] et 30 novembre[6] derniers.


Par ces décisions, il affirme que le barème français ne permet pas d’assurer une indemnisation adéquate au salarié, à savoir proportionnelle à ses préjudices et suffisamment dissuasive pour l’employeur, et conclu donc à la violation de l’article 24b de la Charte.

Pour autant, les conséquences judiciaires de ces décisions sont a priori nulles. En rappelant dans le cadre de son communiqué accompagnant ses arrêts du 11 mai 2022, que « les décisions que prendra ce comité ne produiront aucun effet contraignant », la chambre sociale de la Cour de cassation a neutralisé par avance toute conséquence juridique du Comité.


Malgré tout, cette décision du CEDS pourrait exercer une certaine influence dans les décisions judiciaires et politiques à venir. Il est à noter que le 21 octobre 2022 dernier, la Cour d'appel de Douai, a écarté l'application du « barème Macron », aux termes d'une décision très longuement motivée.[7]

Reste à déterminer si d'autres Cours d'appel se rallieront à cette analyse, qui parait, pour l'heure, isolée dans le paysage jurisprudentiel. Il sera intéressant de suivre avec beaucoup d’attention les prochaines décisions rendues notamment par les Cours d’appel dans les mois à venir.


[1] CPH, Lyon, 21 décembre 2018, n°18/01238 & CPH, Lyon, 7 janvier 2019, n°15/01398 [2] CPH, Troyes, 13 décembre 2018, n°18/00418 & CPH, Amiens, 19 décembre 2018, n°18/00040 [3] CA, Bourges, 6 novembre 2020, n°19/00585 [4] CA, Paris, 16 mars 2021, arrêt n°19/08721 [5] CEDS, 23 mars 2022, CGT-FO contre France, n°160/2018 & CGT contre France n°171/2018 publiée le 26 septembre 2022 [6] CEDS, 5 juillet 2022, Syndicat CFDT de la métallurgie de la Meuse contre France, n°175/2019 [7] CA Douai, 21 oct. 2022, no 20-01.124



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