Le législateur français s’est inspiré de la « class action » existant dans de nombreux pays de droit anglo-saxon et il a introduit l'action de groupe qui permet ainsi à un requérant d'exercer au nom de plusieurs personnes une action en justice.
Après l’ouverture de l’action de groupe en matière de consommation en 2014 (loi n°2014-344 du 17 mars 2014) et en matière de santé en 2016 (loi n°2016-41 du 26 janvier 2016), la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 dite « de modernisation de la justice du XXIe siècle » a ouvert l’action de groupe aux discriminations, à l’environnement et aux protections des données à caractère personnel.
La date d’entrée en vigueur de la loi étant le 20 novembre 2016, seules les actions dont le fait générateur de la responsabilité ou le manquement est postérieur à cette date sont recevables.
Une action de groupe peut être introduite « lorsque plusieurs personnes placées dans une situation similaire subissent un dommage causé par une même personne, ayant pour cause commune un manquement de même nature à ses obligations légales ou contractuelles ».
En matière de discrimination dans les relations de travail, l’exercice de cette action de groupe est prévu par les articles L.1134-6 et suivants du code du travail.
Dans quel cas engager une action de groupe en matière de discrimination ?
L’action de groupe en matière de discrimination dans les relations de travail est ouverte aux salariés et candidats à un emploi, un stage ou une formation, qui font l’objet de discrimination, directe ou indirecte, fondée sur l’un des motifs mentionnés à l’article L. 1132-1 du code du travail (l'origine, le sexe, les mœurs, l'orientation sexuelle ou l'identité de genre, l’âge, la situation de famille ou de grossesse, les caractéristiques génétiques, la particulière vulnérabilité résultant de la situation économique, la capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, l'apparence vraie ou supposée à une ethnie, une nation ou une race, les opinions politiques, les activités syndicales ou mutualistes, les convictions religieuses, l'apparence physique, le nom de famille, le lieu de résidence, l'état de santé ou le handicap) et imputable à un même employeur.
Qui peut engager une telle action ?
Le législateur n’a ouvert cette action de groupe qu’ :
aux organisations syndicales représentatives au niveau de l’entreprise, au niveau de la branche professionnelle ou au niveau national et interprofessionnel ;
aux association régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans intervenant dans la lutte contre les discriminations ou œuvrant dans le domaine du handicap. Elles peuvent agir aux mêmes fins, mais uniquement « pour la défense des intérêts de plusieurs candidats à un emploi ou à un stage en entreprise ».
Le législateur a donc donné l’exclusivité de l’action de groupe aux organisations syndicales, en matière de discrimination dans les relations de travail subies par des salariés.
Par ailleurs, la loi n°2017-86 du 27 janvier 2017 a ajouté une obligation de formation à la non-discrimination à l’embauche, pour les employés chargés des missions de recrutement, dans les entreprises d’au moins 300 salariés ou dans les entreprises spécialisées dans le recrutement, une fois tous les cinq ans.
Quel est le préalable à l’action de groupe ?
Avant d’engager une action de groupe, l’organisation syndicale ou l’association doit demander à l’employeur de faire cesser la situation de discrimination collective alléguée.
L’employeur disposera alors d’un délai d’un mois, à compter de la réception de la demande pour informer le comité d’entreprise, ou à défaut, les délégués du personnel, ainsi que les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise.
A la demande de l’une de ces trois entités, l’employeur engage « une discussion » sur les mesures permettant de faire cesser la situation de discrimination collective alléguée.
Si l’employeur considère que la situation discriminatoire n’existe pas, il peut rejeter la demande de discussion qui lui est présentée.
L’action de groupe ne pourra ensuite être engagée qu’à l’expiration du délai de six mois à compter de la demande tendant à faire cesser la situation de discrimination ou à compter de la notification par l’employeur du rejet de la demande. (article L1134-9 du code du travail)
Le législateur a, en effet, privilégié une résolution amiable, au niveau de l’entreprise.
Quelles demandes peuvent être formées devant le Tribunal de Grande Instance ?
L’action de groupe a pour but la cessation de la discrimination et, le cas échéant, la réparation des préjudices subis.
Or, ce volet indemnitaire reste limité, sauf pour les actions concernant les candidats à un emploi ou un stage ou à une période de formation, aux préjudices nés après réception de la demande adressée à l’employeur de faire cesser la situation de discrimination collective alléguée.
Le salarié qui voudra obtenir la réparation du préjudice subi, avant la mise en demeure, devra donc saisir, seul, le conseil de prud’hommes
Quelles sont les mesures ordonnées par le juge ?
Le juge peut enjoindre à l’employeur de faire cesser ce manquement, dans un délai précis et ordonner toutes les mesures utiles pour ce faire, si besoin avec l’aide d’un tiers qu’il aura désigné.
Le texte ne précise pas qui pourrait être ce tiers et ne donne aucune indication sur le type de mesure que le juge peut ordonner. Le juge dispose donc d’une grande liberté dans les mesures qu’il peut identifier comme devant être mises en œuvre par l’employeur.
Le juge peut en tout cas fixer une astreinte, qui sera liquidée au profit de Trésor public.
Le juge, lorsqu’il est saisi d’une demande de réparation des préjudices, doit :
statuer sur la responsabilité de l’employeur ;
fixer les critères de rattachement au groupe ;
déterminer la nature des préjudices susceptibles d’être réparés pour chacune des catégories de personnes constituant le groupe défini par le juge ;
fixer les délais dans lequel les personnes répondant aux critères de rattachement peuvent adhérer au groupe en vue d’obtenir la réparation de leur préjudice ;
ordonner des mesures de publicité pour que les personnes concernées puissent avoir connaissance de la décision de reconnaissance de la discrimination et de leur possible indemnisation.
Ensuite, chaque personne concernée peut décider de rejoindre le groupe. Pour cela, elle doit adresser une demande de réparation soit directement à l’employeur, soit au demandeur à l’action (l’organisation syndicale ou l’association), ce dernier reçoit alors mandat aux fins d’indemnisation. Il est précisé que ce mandat n’implique pas une adhésion à l’organisation ou l’association demanderesse à l’action.
Comment obtenir la liquidation des préjudices ?
Le demandeur à l’action et l’employeur doivent négocier le montant de l’indemnisation, dans les limites fixées par le juge.
Au terme du délai fixé par le juge de rattachement au groupe, le juge est de nouveau saisi pour « l’homologation de l’accord, éventuellement partiel, intervenu entre les parties et accepté par les membres du groupe concernés ».
Le juge peut alors décider que les intérêts des parties ne sont pas suffisamment « préservés » et renvoyer les parties à la négociation pour une nouvelle période de deux mois.
En cas de désaccord entre les parties, le juge statuera sur la liquidation des préjudices dans la limite de ce qu’il avait précédemment fixé.
Ainsi, si la demande de réparation d’un salarié n’est pas satisfaite, celui-ci a toujours la possibilité de saisir le tribunal de grande instance afin d’obtenir cette réparation dans les conditions et limites fixées par le jugement reconnaissant l’existence d’une discrimination.
Attention, à défaut de saisine à l’issue du délai d’un an à compter du premier jugement, ce dernier acquiert l’autorité de la chose jugée et les membres du groupe peuvent adresser une demande de réparation individuelle à l’employeur.
Par ailleurs, la loi prévoit une amende civile d'un montant maximal de 50 000 € qui peut être prononcée contre le demandeur ou le défendeur à l'instance lorsque celui-ci a, de manière dilatoire ou abusive, fait obstacle à la conclusion d'un accord sur la liquidation du préjudice.
L’action de groupe suspend la prescription des actions individuelles en réparation des préjudices résultant d’une discrimination.
Bénédicte Litzler & Eléa Blanchet Avocats à la Cour SELARL Schmidt Brunet Litzler
Pour retrouver toute l'actualité du cabinet d'avocats SBL : www.sbl.eu/fr