FoxRH a rencontré Sylvain Monnerie, auteur de l'ouvrage : "Mettre la pensée stratégique au service du développement de l'entreprise" aux éditions Maxima.
De Clausewitz à Kim Jong-Un à Michael Porter, de l'approche chinoise de la stratégie à l'école du positionnement, Sylvain Monnerie nous propose une plongée au coeur de la pensée du Strategic Design.
1. Quelle a été votre source d’inspiration ? Vous êtes-vous inspiré de vos expériences pour écrire cet ouvrage ?
Il existe de nombreux ouvrages sur la stratégie d’entreprise mais assez peu finalement qui s’intéressent à la manière dont les différents courants de pensée et concepts se sont constitués. Ça a été l’objectif de cet ouvrage.
Pour ce faire je me suis non seulement appuyé sur les travaux réalisés jusqu’alors sur le sujet mais également sur mon expérience à la fois d’opérationnel en entreprise et de consultant. Ainsi, je me suis focalisé sur l’importance des courants de pensée qui se sont structurés dans la seconde moitié du XXème siècle s’intéressant à la manière dont les entreprises conçoivent et planifient leur politique de développement.
2. Comment définiriez-vous le concept de la stratégie d’entreprise ?
J’aime beaucoup l’approche de Drucker pour définir la stratégie sous l’angle de la perspective. En d’autres termes la manière de faire d’une entreprise en réponse aux questions suivantes : Quelle est notre entreprise ? Quelle est sa mission ? Que devraient être ses objectifs par rapport au marché, aux ressources, à la créativité, aux profits, à la formation du personnel, à la responsabilité sociale… ?
Pour Porter, la stratégie d’entreprise est principalement une histoire de positionnement, à savoir la capacité pour une firme de prendre une position défendable contre ses concurrents existants et ceux qui tenteraient d’entrer sur le marché. Ça a le mérite de poser clairement les règles du jeu.
3. Vous mettez en avant dans votre ouvrage deux termes, celui de Strategic design et Strategic Process, pouvez-vous développer ces concepts ?
Je postule en effet que la pensée stratégique se structure autour de deux grandes familles : celle dont les travaux se focalisent sur les processus stratégiques que j’appelle le Strategic Process et celle qui s’intéresse aux contenus stratégiques que je nomme le Strategic Design.
Le Strategic Process va s’intéresser de manière générale à la façon dont se forment et évoluent les stratégies. Il se focalise sur les processus de prise de décision, le rôle du dirigeant, les dynamiques d’apprentissages et de changement, les mécanismes d’influence, les phénomènes culturels et de croyance au sein des firmes.
Le Strategic Design à l’opposé s’intéresse globalement à la manière dont la stratégie doit être énoncée et tente de fournir des modèles et des règles de décisions aux managers. Il rejoint l’idée de positionnement et tend à considérer la décision sur le mode analytique. Cette démarche vise à déterminer la stratégie concurrentielle la plus efficace pour l’entreprise. Le Strategic Design est orienté sur le diagnostic, la formulation de la stratégie, la démarche de planification, la détermination des avantages concurrentiels, la constitution pour chaque entreprise d’un portefeuille de ressources et d’innovations.
4. Pouvez-vous nous retracer brièvement l’évolution de la pensée stratégique en entreprise au cours des dernières décennies et les tournants liés ? Comment appréhender l’évolution dans le temps des principaux concepts qui ont guidé et structuré la réflexion stratégique ?
La stratégique d’entreprise s’est construite en ordre dispersé et de manière empirique, des universités comme Harvard, des cabinets de conseil comme le BCG ou des penseurs comme Ansoff ou Porter ont joué chacun à leur tour un rôle déterminant dans l’avancée du champ de pensée.
Pour autant si l’on essaie de rationaliser un peu, 4 grands centres d’intérêt ont généré beaucoup de productions sur le sujet : le rôle des dirigeants dans la gouvernance et la gestion de leur entreprise, les démarches de positionnement et avantages compétitifs sur un marché, les relations sociales et les jeux politiques ainsi que les processus symboliques à l’œuvre dans la construction de la stratégie.
5. Les mutations actuelles liées à la digitalisation, aux nouveaux business models, à l’émergence de nouveaux métiers, ont profondément bouleversé le management stratégique. Quels sont les impacts sur la pensée stratégique (ou management contemporain) ?
Le bouleversement des pratiques et des modèles amené par les grands acteurs de l’économie digitale ne se présente pas comme une révolution douce que nous pourrions appréhender sous la forme d’une adaptation progressive, d’une trajectoire ponctuée d’états stables prévisibles et programmés.
Au contraire il doit s appréhender comme un retournement violent emportant tout sur son passage, une véritable nouvelle révolution industrielle qui ne laisse qu’un seul choix, s’adapter, embrasser le changement ou se mettre en danger.
L’une des principales caractéristiques de cette révolution digitale, c’est bien la cadence et l’amplitude de l’innovation qu’elle génère en continue et selon un phénomène exponentiel.
Pénétrant tour à tour de nouveaux marchés, les nouvelles firmes du digital sont assises sur une connaissance client sans précédent. Économies d’échelle, massification des processus, multiplication des occasions de contact, automatisation de la relation client, faiblesse des coûts de distribution, algorithmie fine, profiling et personnalisation, autant de forces à partir desquelles elles construisent leur succès.
Et au centre figure la donnée, car ce qui lie des entreprises aussi différentes que Google, Airbnb, Amazon ou Tesla, c’est précisément la donnée et son exploitation (production, collecte et fabrication d’intelligence artificielle à partir de la donnée).
En synthèse, ce qui caractérise les grands acteurs de l’économie digitale, c’est leur capacité d’exécution autrement dit, la vitesse de développement et de mise en marché. En gardant constamment en tête le client et la facilité d’usage.
C’est un véritable « twist » stratégique !