L’entretien de recadrage est un sujet sensible dans l’entreprise. Pratiqué mais jamais nommé, sa simple évocation fait naître des images mentales négatives : l’autorité, la hiérarchie, la subordination, la sanction… L’imaginaire collectif est puissant et les clichés ont la vie dure !
FoxRH a rencontré Christine Benoit auteur de l'ouvrage recadrer sans démotiver aux éditions gereso qui nous fait le plaisir de répondre à quelques questions.
Qu’est-ce- qui vous a poussé à écrire cet ouvrage ?
En tant que chef d’entreprise et directeur d’établissements de santé, j’ai été confronté personnellement à mener des entretiens de recadrage. J’ai constaté que si j’étais ravie d’avoir pu échanger avec le salarié, lui dire ce qui n’allait pas sans tourner autour du pot, lui ne partageait ma satisfaction ! Sacrée remise en question, et ce d’autant plus lorsque je constatais qu’une règle avait été enfreinte par un collaborateur tout simplement parce qu’elle lui était inconnue.
De ces échecs est née l’idée de remettre en question mes méthodes. Lorsque les collaborateurs sont repartis avec le sourire et que notre relation de confiance s’est améliorée, j’ai souhaité faire partager mon travail par un livre.
Qu'est-ce qu'un entretien de recadrage et à quoi sert-il ?
Un entretien de recadrage sert à re-donner le cadre à un collaborateur. Des règles de fonctionnement et des modalités de travail ont été établies au sein de l'entreprise. Elles sont les mêmes pour tous. Elles constituent le cadre dans lequel les droits et les devoirs de chaque partie au contrat sont définis. Ces règles sont connues de l’équipe et doivent être respectées par ses membres.
Chacun connaît son rôle et ses missions au sein de l’équipe et contribue à une mission commune. C’est ce cadre qui garantit l’équité de traitement entre les collaborateurs. Parallèlement à ces règles formalisées, cohabitent des règles implicites qui relèvent du comportement (ce qui se fait de ce qui ne se fait pas) et de la culture d’entreprise.
L’entretien de recadrage s’impose lorsque le manager a constaté des dysfonctionnements, un écart de comportement ou de performance par rapport à ce qu’il attend de son collaborateur. Cet écart ne relève pas cependant d’une sanction disciplinaire.
Quelle est la différence entre un entretien de recadrage et un entretien disciplinaire ?
Avant de convoquer un salarié à un entretien, il faut déterminer au préalable si les faits reprochés relèvent d’un entretien de recadrage ou disciplinaire car le fond et la forme diffèrent profondément.
Si le manager pense que le collaborateur peut progresser et que cet échange sera bénéfique pour le salarié et l’entreprise, il va opter pour un entretien de recadrage. Le manager, n+1 du collaborateur, va lui donner rendez-vous oralement. L’entretien ne donnera lieu à aucune notifications écrites dans le dossier du salarié. Il permettra de donner des faits précis reprochés au collaborateur et un droit de réponse sans représentants du personnel. Le but est de comprendre et de renouer une confiance réciproque. Il ne s’agit pas d’accuser le collaborateur mais de l’aider à trouver une solution ou à l’accompagner dans sa difficulté passagère.
Si la faute relève du règlement intérieur, s’il y a déjà eu des sanctions pour une faute similaire au sein de l’entreprise, si le manager pense que l’entretien de recadrage ne portera pas de fruits compte tenu de l’état d’esprit du collaborateur, alors l’entretien disciplinaire s’impose. Dans ce cas-là, la procédure légale est à suivre.
Comment annoncer un entretien de recadrage sans faire peur au salarié ?
Assimilé dans l’inconscient collectif à une remontée de bretelles, l’entretien de recadrage peut effectivement stresser le collaborateur. Il est préférable de le faire la veille pour le lendemain et non un vendredi pou un lundi. Bien entendu, la manière de l’annoncer va donner déjà le ton à ce futur rendez-vous.
Toute communication présente deux aspects : le contenu et la relation. Il faut veiller à ce que l’on dit (mots employés, qualité du message), à la manière de le dire (ton, attitude).
Le but de cet entretien est de garder intacte ou de renforcer sa motivation tout en lui faisant partager votre point de vue sur les conséquences de son attitude ou de son erreur afin qu’il réintègre la dynamique de l’équipe.
Les entretiens de recadrage pourraient-ils démotiver les salariés ?
Oh ! Oui s’ils sont mal conduits. Or, le but de cet entretien est de garder intacte ou de renforcer la motivation du salarié tout en lui faisant comprendre les conséquences de son attitude ou de son erreur afin qu’il réintègre la dynamique de l’équipe.
Voici quelques exemples qui démotivent les collaborateurs, lorsque le manager base l’entretien de recadrage :
sur des faits imprécis : « on m’a dit que… », « il paraît que…»
sur une opinion personnelle « je ne vous trouve pas très motivé actuellement… »
en généralisant un comportement « vous êtes toujours en retard, jamais à l’heure »
en faisant la morale, des reproches
en condamnant, en accusant sans écouter le salarié sur les faits reprochés
en faisant un monologue sans droit de réponse du salarié
en donnant des conseils, des solutions prêtes à l’emploi au lieu de responsabiliser le salarié à trouver des solutions
en dévalorisant, en jugeant
en ne reconnaissant pas ce qui est bien
etc...
Quelles sont les solutions pour qu’il y est moins d’entretien de recadrage ? Faut-il revoir le management de l’entreprise ?
Plusieurs pistes peuvent être suivies pour accéder à la performance individuelle :
la qualité de l’intégration des salariés,
la qualité du management de proximité pour créer de la cohésion d’équipe,
la qualité de la communication
l’accompagnement de la montée en compétences par la formation
Donner le cadre consiste avant tout à bien intégrer chaque salarié en s’assurant que ces derniers connaissent :
la mission de l’entreprise et ses engagements vis-à-vis des clients ;
la culture d’entreprise et ses valeurs ;
le règlement intérieur ;
sa fiche de poste ou de fonction avec sa place au sein de l’organigramme ;
le fait que l’appartenance à une équipe donne des droits et des devoirs ;
les bonnes pratiques, la politique qualité ;
les indicateurs qui permettent de mesurer l’efficacité des procédures, protocoles, contrôle des délais, coûts ;
l’accès aux différentes informations.
Si cette phase est bâclée, il y aura dysfonctionnement des nouveaux arrivants.
Pour faire vivre la dynamique de l’équipe, le manager doit faire partie de l’équipe. Dans le sport, un capitaine est sur le terrain, pas dans un bureau en train de faire un tableau Excel récapitulant les scores de l’équipe.
Le manque de relations et de communication conduit inévitablement à la perte de liens et de repères. Enfin, la mondialisation et l’évolution technologique demandent de réactualiser les formations initiales des salariés.
Christine Benoit www.christine-benoit.com