top of page
  • Photo du rédacteurSchmidt Brunet Litzer

Le lieu de résidence, un nouveau critère de recrutement ?


Le lieu de résidence, un nouveau critère de recrutement ?

Les questions relatives au lieu de résidence du salarié sont de plus en plus fréquentes et les employeurs peuvent être amenés à s’interroger sur leur possibilité d’imposer un lieu de résidence à leurs salariés.

Une décision de la Cour d’appel de Versailles du 10 mars 2022, apporte des éléments de réponse[1].



Sommaire

  1. Une restriction à la liberté fondamentale de choix du domicile justifiée et proportionnée

  2. L’obligation essentielle de préservation de la santé et de la sécurité du salarié


FoxRH, cabinet de recrutement aux opportunités RH et Paie







1) Une restriction à la liberté fondamentale de choix du domicile justifiée et proportionnée


Il résulte de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales que toute personne a droit au respect de son domicile et ainsi du libre choix du lieu de celui-ci.


Conformément à l’article L 1121-1 du Code du Travail, « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché ». Ce principe énoncé par le Code du travail, s’applique au libre choix par le salarié de son domicile et aux restrictions que peut y apporter l’employeur.


En 1999, la Cour de cassation a jugé qu’une restriction à cette liberté par l'employeur n’était valable qu'à la condition d'être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise et proportionnée au but recherché, compte tenu de l'emploi occupé et du travail demandé[2]. La Cour de cassation a par la suite confirmé que l'atteinte au libre choix par le salarié de son domicile doit être justifiée par la nature du travail à accomplir et proportionnée au but recherché[3] .


Le libre choix de son domicile est donc une liberté fondamentale du salarié[4] et les restrictions sont des explications.


Cette jurisprudence n’interdit pas à l'employeur d’insérer une clause de résidence mais la validité d’une telle clause est rarement admise.


A été jugée licite la clause de résidence inscrite dans le contrat de travail d'un salarié engagé en qualité de chef d'agence d'un organe de presse dès lors que la mission de celui-ci s'exerçait sur un vaste secteur géographique et nécessitait une disponibilité de tous les instants pour répondre aux exigences imprévisibles de l'actualité et aux sollicitations des acteurs de la vie locale. La nature de cette mission exigeait en effet que l'intéressé ait sa résidence en un lieu suffisamment proche de l'agence qu'il dirigeait. Par conséquent, ladite clause emportait une restriction au libre choix du domicile, proportionnée au but recherché, compte tenu des nécessités inhérentes à la profession de journaliste et à l'étendue de sa mission et elle était indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise[5].



2) L’obligation essentielle de préservation de la santé et de la sécurité du salarié


La Cour d’appel de Toulouse avait déjà estimé que, si un salarié ne saurait se voir imposer un lieu de résidence particulier par son employeur, encore fallait-il que le choix de son domicile personnel lui permette de consacrer le temps utile à son travail. Les juges du fond avaient considéré que tel n'était pas le cas lorsque le salarié avait gardé son domicile à 400 km de son lieu de travail et qu'il était ainsi amené à voyager pendant un temps qu'il aurait normalement dû passer à travailler[6] .


Dans l’affaire ayant mené à la décision de la Cour d’appel de Versailles, il n’y avait pas de défaillance du salarié, son déménagement n’ayant pas affecté son rythme de travail. La Cour d’appel de Versailles, par décision du 10 mars 2022, a retenu l’argument de l’employeur et admis que le salarié avait commis une faute en refusant de revenir à proximité du siège social de l’entreprise. Le licenciement a été jugé légitime.


Le raisonnement de la Cour repose sur les exigences découlant des articles L.4121-1 et L.4122-1 du Code du travail. Selon le premier de ces articles, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Quant au second, il impose aux salariés de prendre soin de leur santé et de leur sécurité, en fonction de leur formation et selon leurs possibilités, ainsi que de celles des autres personnes concernées par leurs actes, conformément aux instructions qui leur sont données par l'employeur.


La Cour a également retenu que l’employeur doit veiller au repos quotidien des salariés et à l’équilibre entre sa vie familiale et sa vie professionnelle, dans le cadre de la convention de forfait en jours à laquelle il était soumis.


Dans cette affaire, un salarié, responsable de support technique, a déménagé en Bretagne, à 450 kilomètres du siège de l’entreprise, situé dans les Yvelines. Son contrat de travail ne comportait pas de clause de résidence ou de mobilité.


L’employeur lui reprochait de ne pas l’avoir informé de ce changement, alors que son contrat de travail fixait son activité au siège de l’entreprise. Pour le salarié, au contraire l’employeur était bien informé, comme le traduisaient ses bulletins de paie, et cette modification n’avait entraîné aucun retard ni aucune demande de prise en charge des frais induits par cette installation en Bretagne. Le salarié indiquait également qu’il passait moins de 17 % de son temps au siège de l’entreprise, le reste constituant des déplacements professionnels. Il se prévalait enfin de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme.


L’employeur, pour sa part, considérait que ce nouveau domicile n’était pas compatible avec son obligation de sécurité en matière de santé des salariés et avec les déplacements professionnels induits par l’activité de l’intéressé. Il lui avait donc demandé de régulariser sa situation et de revenir en région parisienne. Le salarié, ayant refusé d’obtempérer, a été licencié.


La Cour d’appel a mis en balance l’obligation de préservation de la santé prévue par le Code du travail et une liberté fondamentale garantie par le droit européen, et a donné la faveur à la première.


Cette décision peut sembler défavorable au salarié remettant en cause son droit légitime à fixer le lieu de son domicile librement, voire à déménager en cours de contrat, mais elle se veut en réalité protectrice de santé.


Ainsi, la situation d’un salarié ayant déménagé devra systématiquement être observée au cas par cas, en analysant, ses fonctions, son moyen de transport, son rythme de travail et la nécessité de préserver sa santé pour envisager de lui imposer un lieu de résidence proche du lieu de son activité professionnelle.






Pour toute question, contactez-nous :


Aurélie DAVOULT

Elora BOSCHER



[1] CA Versailles 10-3-2022 n° 20/02208, DG c/ Sté Konica Minolta Business Solutions France [2] Cass. soc., 12 janv. 1999, n° 96-40.755 [3] Cass. soc., 23 sept. 2009, n° 08-40.434; [4] Cass. soc., 28 mars 2006, n° 04-41.016 [5] CA Dijon 16-12-2004 n° 04-161, B. c/ SA Le Bien public [6] CA Toulouse 20-12-2001 n° 01-2027



FoxRH, cabinet de recrutement RH et Paie

Commenti


bottom of page