Dans ce nouveau flash info : évoquons le retentissement d'une relation amoureuse entre salariés sur le fonctionnement de l'entreprise.
Selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation, « un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail[1] (ex : loyauté, discrétion, sécurité[2]) ou « s’il cause un trouble objectif au bon fonctionnement de l’entreprise[3].»
Ce principe jurisprudentiel a vocation à s’appliquer en matière de relations amoureuses entre salariés d’une même société, tel que la Cour de cassation l’a rappelé dans son arrêt du 16 décembre 2020[4].
En l’espèce, une salariée avait rompu, d’un commun accord, la relation amoureuse qu’elle entretenait avec l’un de ses collègues de travail.
Mais, jaloux, ce dernier avait d’une part, installé une balise GPS sur son véhicule personnel, à son insu, afin de surveiller ses déplacements et d’autre part, envoyé des messages intimes au moyen de sa messagerie professionnelle pour la presser de reprendre contact avec lui, en la soupçonnant d’entretenir une nouvelle relation amoureuse avec un autre salarié de la société.
Considérant que le comportement du salarié jaloux était constitutif de harcèlement moral et, que les faits s’étant déroulés dans un cadre professionnel ils relevaient de la sphère professionnelle, la société a décidé de le licencier pour faute grave.
Les juges du fond ont considéré que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.
La société s’est donc pourvue en cassation aux motifs que l’installation d’une balise GPS sur le véhicule d’une autre salariée afin de la surveiller à son insu et l’envoi de messages intimes alors que celle-ci ne souhaitait plus avoir de contact avec lui, en dehors de la société, constituait une faute de nature à justifier le licenciement.
Mais, dans la mesure où la relation amoureuse avait été, notamment, librement consentie[5] et « faite de ruptures et de sollicitations réciproques », selon la Cour de cassation le harcèlement moral devait être écarté.
En conséquence, « la cour d’appel avait pu en déduire que ces faits relevaient de la vie personnelle du salarié et ne constituaient pas un manquement aux obligations découlant de son contrat de travail, de sorte que le licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse »[6].
A titre comparatif, il est intéressant de rappeler que, s’agissant d’une salariée harcelée sexuellement par son supérieure hiérarchique, la Cour de cassation avait jugé que, bien qu’elle ait participé à un jeu de séduction réciproque, le licenciement pour faute simple du supérieur hiérarchique était justifié : les faits reprochés relevaient de la sphère professionnelle et, par son comportement, le salarié avait « perdu toute autorité et toute crédibilité dans l’exercice de sa fonction de direction [7]».
Pour licencier un salarié pour un fait relevant de la vie privée, il est manifestement nécessaire de s’interroger sur le retentissement de ce fait au sein de l’entreprise.
Ainsi dans de pareilles circonstances et avant toute prise de décision disciplinaire à l’encontre d’un salarié, l’employeur devra être vigilant et s’assurer que la relation amoureuse a impacté la bonne marche de son entreprise, voire la carrière professionnelle[8] du (de la) salarié(e) victime de ses agissements.
Noémie MOYAL
[1] Cass. soc. 16 décembre 1997, n° 95-41.326 P ; Cass. soc. 23 juin 2009, n° 07-45.256 FS-PB ; Cass. soc. 24 octobre 2018, n° 17-16.099 [2] Cass. soc. 30 mai 2011, n°09-67.464 FS-PB [3] Cass. soc. 28 novembre 2018, n° 17-15.379 FS-PB [4] Cass. soc. 16 décembre 2020, n° 19-14.665 [5] V. sens contraire : Cass. soc. 30 novembre 2005, n°04-13.977 F-P [6] Cass. soc. 16 décembre 2020, précité [7] Cass. soc. 25 septembre 2019, n°17-31.171 F-D [8] Voir aussi en ce sens : Cass. soc. 19 novembre 1992, n°91-45.579 D
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