Dans une affaire récente une salariée a demandé la requalification de son contrat à durée déterminée (CDD) en contrat à durée indéterminée (CDI) au motif que le contrat n’avait pas été signé de façon manuscrite mais comportait une signature de l’employeur photocopiée, qui n'était ni une signature originale, ni une signature électronique et n’avait donc aucune valeur juridique selon elle.
Les juges ont jugé que l’apposition d’une signature sous format numérisée n’était pas une signature électronique, mais que pour autant cette signature n’était pas sans valeur. Dans cette affaire il n'était pas contesté que la signature en cause était celle du gérant de la société et permettait parfaitement d'identifier son auteur qui était habilité à signer un contrat de travail. Dès lors l'apposition de la signature manuscrite numérisée du gérant de la société ne valait pas absence de signature et le CDD était donc valide. La demande de requalification du CDD en CDI a été rejetée.
Si la signature électronique constitue le procédé qui offre la plus grande sécurité juridique, la Cour de cassation est venue confirmer que la signature numérisée peut être valable à certaines conditions.
L’arrêt récent de la Cour de cassation donne l’occasion de faire un point sur les conditions de validité des signatures électroniques et numérisées.
Sommaire :
1. La signature électronique.
2. La signature numérisée du contrat de travail peut être valide.
1. La signature électronique :
Un contrat de travail écrit peut être établi et conservé sous forme électronique. Même électronique, le contrat doit être rédigé en français et établi en deux exemplaires datés et signés, l’un pour l’employeur, l’autre pour le salarié, chacun devant y avoir accès sur un support durable.
Le contrat électronique a la même valeur de preuve que le contrat papier si ses signataires sont dûment identifiés. De plus, il doit être établi et conservé dans des conditions propres à en garantir l’intégrité.
En effet, l'article 1366 du Code civil énonce « l'écrit électronique a la même force probante que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité ».
Une signature électronique valable suppose d’utiliser un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu’à preuve contraire, lorsque :
- la signature électronique est créée,
- l’identité du signataire assurée et,
- l’intégrité de l’acte garantie, suivant des modalités techniques définies réglementairement.
L’article 1367 du Code civil définit les fonctions de la signature en matière de preuve, qu'elle soit manuscrite ou électronique :
« la signature nécessaire à la perfection d'un acte juridique identifie celui qui l'appose. Elle manifeste le consentement des parties aux obligations qui découlent de cet acte (…) ».
Ainsi, le dispositif de signature électronique doit garantir, par des moyens techniques et des procédures appropriées, que les données :
- ne peuvent être établies plus d'une fois et que leur confidentialité est assurée ;
- ne peuvent être trouvées par déduction et que la signature électronique est protégée contre toute falsification ;
- peuvent être protégées de manière satisfaisante par le signataire contre toute utilisation par des tiers.
Le dispositif de signature électronique ne doit entraîner aucune altération du contenu de l'acte à signer et ne pas faire obstacle à ce que le signataire en ait une connaissance exacte avant de signer.
Le dispositif sécurisé de création de signature électronique doit être certifié conforme à ces exigences.
Concrètement, des prestataires agréés assurent la délivrance de ce certificat.
Après en avoir fait la demande auprès du prestataire, qui s'assure de l'identité de l'entreprise et des utilisateurs de la signature électronique, l’employeur reçoit des clés électroniques qui vont lui permettre de signer des contrats dématérialisés. Cette clé est le plus souvent constituée d'une carte à puce accompagnée d'un code d'accès pour l'utilisateur.
Grâce à ce certificat, l'entreprise peut mettre en place un serveur d'élaboration et de conclusion de contrats. Dans ce cas, les contrats sont négociés, signés et conservés dans le réseau informatique, la certification numérique garantissant l'authenticité du contrat virtuel et assurant le secret de son contenu.
2. La signature numérisée du contrat de travail peut être valide.
Selon l’article L1242-12, alinéa 1, du Code du travail, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.
Dans l’arrêt précité rendu le 14 décembre 2022, la Cour de cassation a jugé que la signature manuscrite numérisée de l'employeur, dès lors qu'elle n'est pas contestée et permet d'identifier son auteur, même si elle ne peut être assimilée à la signature électronique au sens de l'article 1367 du Code civil, ne vaut pas absence de signature du contrat de travail à durée déterminée.
La Chambre sociale, à l'instar de la deuxième chambre civile, fait ainsi preuve de tolérance face à un tel procédé qui ne répond pourtant pas aux exigences de la signature électronique.
Le procédé technique utilisé doit permettre d'identifier l'auteur de la signature numérisée.
Dans l’affaire précitée, la Cour de cassation a retenu, comme la Cour d’appel, que la signature sous forme d'une image numérisée permettait d'identifier parfaitement son auteur, en l'occurrence le représentant légal de la société qui était par ailleurs habilité à signer le contrat de travail.
Elle a ainsi réaffirmé l'importance de l'identification des signataires d'un acte juridique. En effet, la présente décision s'inscrit dans le prolongement de décisions rendues :
- À propos de la signature d'une lettre de licenciement :
Un salarié contestait son licenciement au motif que, selon lui, le défaut de signature d'une lettre de licenciement équivalait à une absence d'écrit, ce qui avait pour effet de le priver de cause réelle et sérieuse. Pour ce dernier, tel était le cas d'une signature préalablement scannée, et donc préalablement numérisée, qui ne pouvait être assimilée à une signature électronique.
La Cour de cassation avait alors considéré que l'irrégularité pouvant affecter la procédure de licenciement, relative à la signature numérisée figurant sur la lettre de licenciement, ne pouvait suffire à priver de cause le licenciement, dans la mesure où la Cour d'appel avait jugé que la lettre était valablement signée et que l'identification du signataire était certaine.
- A propos de l'apposition d'un paraphe numérisé sur un avenant à un accord collectif d'entreprise :
Dans cette affaire, était apposé sur un avenant à un accord collectif, par un système de copie, un paraphe pour signature au nom du président du directoire, représentant l'employeur. Les juges, qui avaient constaté que cette signature avait été apposée par un tiers mais sur ordre du président du directoire (auteur du paraphe), ce que celui-ci avait expressément reconnu, ont pu en déduire que l'avenant litigieux avait été valablement signé par l'employeur.
Ainsi, les décisions ci-dessus mentionnées révèlent que l'identification de l'auteur de la signature numérisée constitue une condition indispensable à la validité d'un acte juridique et décisive dans l'appréciation des juges. En effet, il convient de souligner qu'en cas de contestation portant sur l'auteur de la signature numérisée, sa validité est laissée à l'appréciation souveraine des juges du fond. Il appartiendra donc à l'auteur de la signature contestée de démontrer qu'il avait la maîtrise de son apposition ou qu'il en était personnellement l'auteur.
Par conséquent, une signature numérisée peut produire les mêmes effets qu’une signature manuscrite aux conditions précitées mais une telle signature n’offre pas les mêmes garanties que l'utilisation de la signature électronique.
La signature numérisée, simple copier/coller de l'image d'une signature manuscrite sur un document, s'est largement développée, avec notamment l'essor du télétravail.
Toutefois, si ce procédé est certes pratique et validé sous certaines conditions par la Cour de cassation, il ne garantit pas aux employeurs la même sécurité juridique que la signature électronique, notamment en cas de contestation, si l'auteur de la signature ne peut être identifié.
De plus, avec ce procédé, le risque de fraude ne peut être écarté, la signature pouvant facilement être récupérée, détournée et falsifiée. En effet, il ne peut être exclu que d'autres personnes puissent avoir accès à l'image numérisée d'une signature pour l'insérer informatiquement dans un document quelconque.
Afin d'éviter toute insécurité juridique, il convient donc de rester réservé et prudent dans l'utilisation d'un tel procédé.
Pour toute question, contactez-nous :
Bénédicte LITZLER
Aurélie DAVOULT
Élora BOSCHER
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